Prendre soin des malades en danger
Rédigé par Millions Missing France - - Aucun commentaireLes personnes souffrant d’EM sévère ne sont invisibles que pour celles qui refusent de les voir.
Aux origines de Millions Missing France, il y a un collectif de malades en état sévère faisant un terrible un constat : dans notre pays, la gravité de la maladie est ignorée.
Les malades en état sévère sont invisibles. Aucun article de presse n’en parle, la majorité des professionnels de santé les ignorent, des associations les négligent.
L’EM vole des vies. Elle tue. Dans l’indifférence la plus totale.
Nous communiquons sur l’état sévère pour faire de la prévention. Nous voyons trop de malades en état léger et modéré se forcer et dépasser leurs limites, au risque de s’aggraver irrémédiablement. Nous voyons trop de médecins qui ne prescrivent rien, y compris pour traiter des symptômes handicapants comme les douleurs, les troubles du rythme cardiaque, les troubles digestifs, les troubles du sommeil etc. Nous sommes convaincus que si ces malades et ces médecins prenaient conscience des risques encourus, ils seraient plus attentifs et rigoureux dans la prise en charge.
Quelques pistes dans cet article, pour mieux comprendre la situation et mieux prendre soin des malades les plus durement touché⋅es.
Un déni lourd de conséquences
Faute de formation médicale sur l’encéphalomyélite myalgique, des spécialistes français du “syndrome de fatigue chronique” affirment : "En France, nous n’avons pas de malades gravement atteints comme aux États-Unis".
Si les professionnels de santé ne voient pas les malades en état sévère, c'est tout simplement parce que, par définition, ces personnes ne peuvent pas sortir de chez elles. Certaines ont vécu tant de maltraitance et de stigmatisation qu’elles n’osent plus appeler pour des visites à domicile - encore faut-il que ces dernières soient possibles... Lors d’hospitalisations en urgence, les personnels soignants, toujours faute de formation, ne reconnaissent pas la pathologie, attribuent facilement aux patients des qualificatifs de “fatigués chroniques” ou “malades imaginaires” qui encombrent leurs services, font des erreurs graves lors des soins, éliminent des examens pourtant justifiés.
Nous avons entendu des responsables associatifs nous dire : “Parler de l’état sévère, c’est trop anxiogène pour les malades”.
Nous n’aimons pas le pathos à MMF, mais nous détestons encore plus le mensonge, y compris par omission.
Mettre la tête dans le sable n’a jamais réglé aucun problème. La pensée positive n’a jamais guéri personne de l’EM. Seuls des soins adaptés et une prise en charge précoce peuvent freiner, voire arrêter la progression de la maladie.
Nous tentons autant que possible de donner de l’espoir, mais un espoir réaliste, basé sur les avancées de la science et des témoignages d’améliorations liées à des approches thérapeutiques éprouvées, documentées. Sans cacher la réalité.
Des croyances obscurantistes médiatisées
L’EM est bien loin des images corporate choisies dans les médias pour parler du « syndrome de fatigue chronique » ou "de la fatigue chronique", jolies femmes maquillés ou hommes jeunes et actifs avec une barbe de 2 jours, vaguement affalés sur leur ordinateur ou dans leur canapé.
Une psychologisation abusive de la maladie est encore mise en avant par une poignée de médecins puissants, qui bloquent avec acharnement les avancées pour la prise en charge, que ce soit pour l’EM ou d’autres pathologies complexes, dont le Covid long.
Les discours de certains internistes, neurologues ou pédiatres sur l’EM rappellent ceux tenus par quelques chercheurs et médecins dans les années 1960 pour la sclérose en plaques. Malgré les preuves qui s’accumulaient déjà, ils continuaient à parler d’hystérie de conversion au vu de la prévalence féminine, de la multiplicité des symptômes et d’un prétendu profil psychologique spécifique prédisposant.
Petite différence, la catégorie de l’hystérie a disparu. Elle a fait place à celle de "trouble somatique fonctionnel" ou "trouble à symptomatologie somatique" dans laquelle trop de médecins rangent l’EM ou le Covid Long (et bien d’autres...), sans tenir compte des dernières recherches scientifiques.
À cause de l'influence d'une poignée de médecins, des milliers de malades ont des prises en charge qui les aggravent. Et pendant que ces médecins s’accrochent à protéger leurs carrières basées sur des croyances obscurantistes, beaucoup s'effondrent.
Un quart des malades d’EM est en état sévère. En prendre soin demande formation et information. Il y a urgence.
Prendre soin des patients souffrant d’EM sévère
Les conseils pour l’EM sévère peuvent aussi aider les personnes gravement atteintes de Covid long, trop nombreux à développer l'EM.
Open Medicine Foundation vient de publier un guide comportant l’essentiel des principes de prise en charge des malades en état grave, traduit en français par MMF. Court et complet, il présente les caractéristiques de l’état très sévère, comment évaluer les capacités du malade, les facteurs de complication et ce qui doit être mis en place. C’est un document précieux, pour les professionnels de santé et pour les proches. Ces conseils complètent ceux qui figurent dans d’autres directives (voir références en fin d’article).
Les personnes gravement atteintes ont besoin de soins à domicile, de consultations à distance et de professionnels de santé ouverts, bienveillants, prêts à s'informer. Pour eux, nous avons mis en place un programme d'information avec des documents essentiels, conçus par des équipes médicales et des spécialistes. Vous êtes professionnel de santé ? Contactez-nous !
L’un des points clés important est la nécessité d’un environnement domestique calme et stable, qui limite les efforts et autres déclencheurs d’aggravation. La mise en place impérative du pacing impose dans ces cas graves une restriction très importante de la dépense énergétique et des stimuli sensoriels. Pour certaines personnes, l’alitement total dans le silence et la pénombre est nécessaire.
En état très sévère, l’EM peut entraîner des problèmes de nutrition et d'hydratation. Plusieurs causes en sont à l’origine : troubles de la déglutition, troubles gastro-intestinaux sévères, patient trop affaibli pour manger ou boire. Certaines personnes doivent être nourries par sonde. Le retard dans la mise en en place d’une sonde est souvent gravissime, lié à l’absence d’information des professionnels de santé sur l’EM et l’attribution erronée des difficultés d’alimentation à des troubles psychologiques. Cet article sur la malnutrition des malades d’EM en état très sévère est important à transmettre aux médecins si vous ou un proche est concerné. (Une traduction automatique suit le texte original en anglais).
Le document d’Open Medicine Foundation donne des conseils généraux, mais pas de pistes de traitements. Pour la prise en charge médicamenteuse, nous avons rédigé avec des médecins un document complémentaire réservé aux professionnels de santé (contactez-nous). Nous sommes également en train de traduire le guide de traitement conçu par l’association ME UK, qui devrait être disponible dans les semaines à venir sur notre site web.
Quand une personne est hospitalisée, il faut prendre des précautions spécifiques. Ce document reprend les principaux conseils en cas d’hospitalisation.
Vous trouverez aussi de nombreuses ressources sur notre site web.
Stop ! L'EM tue…
Risques accrus de cancers, de maladies auto-immunes, d’AVC, d’atteintes cardiaques, de suicides, épuisement progressif du corps lié à la dénutrition et aux atteintes systémiques. Sur les réseaux sociaux, des roses bleues fleurissent tous les mois, symbolisant la mort d'une personne atteinte d'EM.
Le 29 janvier 2021, notre amie Faustine Nogherotto choisissait de mettre fin à ses jours dans le cadre d’une euthanasie en Belgique. À la suite de l’EM dont elle souffrait depuis des années, elle avait développé un syndrome de Gougerot-Sjögren grave qui atteignait ses organes vitaux.
Le 3 janvier 2023, Kara Jane Spencer s’est éteinte, entourée de ses proches, à l’âge de 32 ans. Malade depuis l’adolescence, elle était en état sévère depuis 10 ans. Son certificat de décès indique clairement que la cause officielle de sa mort est l’encéphalomyélite myalgique.
Kara Jane et Faustine partageaient la jeunesse, l’amour de la vie, une passion pour le chant. L’EM les a emportées et parce qu’elles étaient chanteuses, leur disparition a attiré l’attention des médias. Pour quelques personnes médiatisées, combien d’autres s’éteignent en silence ? Trop de malades meurent dans la solitude la plus totale, leurs corps n’étant parfois découverts que des jours ou des semaines plus tard. Cet abandon est inacceptable.
En 2022, plus de 20 personnes engagées dans la communauté sont mortes à cause de l’encéphalomyélite myalgique. 6 militantes sont décédées en janvier 2023 Ces personnes étaient visibles dans l’espace public (professionnels reconnus, actions associatives, interviews dans les médias, présence sur les réseaux sociaux….) et leur disparition n'est pas passée inaperçue. Ce n’est que la pointe de l’iceberg, combien d’autres décèsont été ignorés ?
Depuis quelques mois, plusieurs membres de Millions Missing France sont en rechute sévère. Certain⋅es sont à l’origine de l’association, d’autres nous ont rejoints plus tard, l’un d’eux s’est épuisé à combattre pour la communauté. Rares sont les personnes suivies médicalement avec compétence. Il y a danger vital pour quelques-unes d’entre elles. Nous les connaissons, nous avons milité à leurs côtés, nous les voyons se battre, nous assistons impuissants à leur descente aux enfers.
On ne peut pas ignorer les malades d’EM en état sévère. Ce n’est pas respectueux pour eux. C’est les invisibiliser encore plus qu’ils ne le sont. C’est les abandonner à leur sort, une fois de plus. C’est entretenir l’illusion que l’EM « ce n’est pas aussi grave que ça ». C’est cautionner l’absence de prise en charge adaptée. C’est laisser des malades en état léger et modéré s’aggraver en toute inconscience de ce qui les attend peut-être.
N’oublions pas leurs voix
Nous avons eu connaissance de leur décès en 2022 : Betty Mac Connel, Anna Louise Midsem, Denise Grassa, Anne Steinberg, Lily Silver, Benny, Lisa Noris Alpert, Alley Brian Daley, Amy Elizabeth Mac Laughlin, Christine Paquette, Marylin Hinot (Victoria), Brian Mc Carthy, Dirk “Orchidée”, Sohail Alibat, Retha Viviers, Silja, Jan Montgomery, Maria Munro, Bastien, Sarah Miller, Anna Fitzgerald Clarke, Marcus Sedgwick, Jose Antonio de la Arada, Sandra Menth.
Terrible mois de janvier 2023 : Annette O Bright, Tammy Roy, Kara Jane Spencer, Christine Feistl, Karen Griffiths, Sylvia Iversen.
Des centaines de milliers de covid long nous rejoignent.
Parmi ces personnes, certaines sont déjà en état sévère.
Plus que jamais, la mobilisation de tous et de toutes est nécessaire.
Pour financer notre programme La Voix de Faustine (information des médecins et éducation thérapeutique), vous pouvez donner ici
Sources et références
Guides cliniques et recommandations
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Baxter H, Speight N, Weir W. Life-Threatening Malnutrition in Very Severe ME/CFS. Healthcare (Basel). 2021 Apr 14;9(4):459. doi: 10.3390/healthcare9040459. PMID: 33919671; PMCID: PMC8070213.
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Dialogues of a Neglected Illness. Severe and Very Severe ME/CFS. 2020.
Montoya JG, Dowell TG, Mooney AE, Dimmock ME, Chu L. Caring for the Patient with Severe or Very Severe Myalgic Encephalomyelitis/Chronic Fatigue Syndrome. Healthcare. doi.org/10.3390/healthcare9101331 2021; 9(10):1331.
Rowe, P.C.; Underhill, R.A.; Friedman, K.J.; Gurwitt, A.; Medow, M.S.; Schwartz, M.S.; Speight, N.; Stewart, J.M.; Vallings, R.; Rowe, K.S. Myalgic encephalomyelitis/chronic fatigue syndrome diagnosis and management in young people: A primer. Front. Pediatr. 2017, 5, 121, doi.org/10.3389/fped.2017.00121
Shepherd C. , ME/CFS/PVFS : The MEA Clinical & Research Guide. An Exploration of the Key Clinical Issues, ME Association, 2022
UK National Institute for Health and Care Excellence. Guideline : Myalgic Encephalomyelitis (or Encephalopathy)/Chronic Fatigue Syndrome: Diagnosis and Management. October 2021
Pronostic et comorbidités
Cairns R, Hotopf M. A systematic review describing the prognosis of chronic fatigue syndrome. Occup Med (Lond). 2005 Jan;55(1):20-31. doi: 10.1093/occmed/kqi013. PMID: 15699087.
Leonard A. Jason, Karina Corradi, Sara Gress, Sarah Williams & Susan Torres-Harding (2006) Causes of Death Among Patients With Chronic Fatigue Syndrome, Health Care for Women International, 27:7, 615-626, DOI: 10.1080/07399330600803766
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Maes M, Twisk FN. Why myalgic encephalomyelitis/chronic fatigue syndrome (ME/CFS) may kill you: disorders in the inflammatory and oxidative and nitrosative stress (IO&NS) pathways may explain cardiovascular disorders in ME/CFS. Neuro Endocrinol Lett. 2009;30(6):677-93. PMID: 20038921.
Autres ressources scientifiques bibliographie sélective (études récentes) , index d’articles antérieurs à 2020
Mémorial .Liste des personnes décédées des suites de l’EM