Colloque covid Long-SPILF 2022
Rédigé par Millions Missing France - - Aucun commentaireJournée organisée à Nancy par la Société de pathologie infectieuse de langue française le 8 décembre 2022, à destination des médecins.
MMF et ApresJ20 étaient membres du conseil scientifique. Merci à tous les intervenants !
En attendant le replay, courte sélection de points forts et de points faibles.
EVITER LE COVID LONG, C’EST D’ABORD ÉVITER L’INFECTION INITIALE !
Nous aurions aussi aimé que ce lieu soit l’occasion d’alerter sur le fait que la pandémie court toujours et que les gestes de protection sont indispensables. Bien peu de gens masqués, dans ce colloque…
ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ : Janet Diaz représentait en distanciel l’OMS. Elle donne le chiffre de 15% de CL parmi les personnes infectées et insiste sur la nécessité de prises en charge précoces et d’offres de soins accessibles à tous.
PORTRAIT ROBOT du covid long par F. Goehringer, infectiologue, qui salue les initiatives des associations et leur travail avec les acteurs institutionnels. Il appuie aussi sur la complexité d’avoir des études de qualité, notamment en matière d’épidémiologie. Décrit 3 profils essentiellement dans covid long : fatigue - neuro - cognitif - cardio respiratoire
PHYSIOPATHOLOGIE D. Salmon, infectiologue, fait un tour d’horizon des principales hypothèses (cf diapo) Plusieurs d’entre elles croisent des recherches faites pour l’EM : dysfonctionnements mitochondriaux "pas assez d'oxygène transformé en énergie pour faire de l'exercice" ; dérégulation immunitaire ; réactivation d’herpes virus. On est plus sur des conséquences que des causes.
La dysfonction mitochondriale est tout particulièrement intéressante pour expliquer l’intolérance à l’exercice "caractéristique du covid long” (et de l'EM ...), avec une signature métabolomique spécifique au repos (cf diapos). C’est un domaine très exploré déjà pour l’EM. Nous souhaitons ardemment que plus de chercheurs sur le covid long explorent la littérature scientifique sur l’EM et coopèrent avec des chercheurs sur l’EM.
DYSBIOSE Le Dr Coffin, gastroentérologue, intervient sur la dysbiose liée au CL. Il insiste sur le fait que peu de probiotiques ont fait la preuve de leur efficacité. Préconise un régime riche en fibres et pauvre en sucre.
TROUBLES NEUROCOGNITIFS par Lucie Hopes, neurologue, qui regrette que peu de ses collègues s’investissent sur le sujet, “alors qu’on sait qu’il y a des atteintes neurologiques qui ne dépendent pas de la sévérité de l’infection initiale”. Elle pointe une saturation cognitive particulière par rapport aux autres patients qu’elle suit.
TEP SCAN Explications d’Eric Guedj qui recadre bien la prescription de PET scan en clinique, que le malade souffre ou non de covid long (égalité d’accès aux examens). Recommandations de l’ANSM : la prescription se justifie dès qu’il y a des troubles cognitifs, pour diagnostics différentiels autant que pour voir s’il y a des signes cérébraux corrélés aux troubles.
L’hypothèse des hypométabolismes retrouvés fréquemment dans le covid long serait une adaptation microgliale neuro inflammatoire et une altération mitochondriale, mais pas de lésions à proprement parler (ce qui est bon signe pour la potentielle réversibilité).
UNE OFFRE DISPARATE
Plusieurs intervenants dans la journée constatent qu’il y a de grandes disparités sur le territoire français. Jérôme Larché pose à plusieurs reprises la question de l’accès et de l’égalité aux soins : “Le covid long révèle les faiblesses du système et nécessite de revoir le modèle de prise en charge” . Les tensions sont à tous les niveaux, il faut remettre le patient au cœur d’une prise en charge pluridisciplinaire. La formation est un axe majeur, elle nécessite une communication efficace et innovante, pour pouvoir impliquer le maximum de professionnels de santé.
Les remarques de Jérôme Larché et d’autres médecins du public recoupent les témoignages de malades qui souffrent de stigmatisation, de prises en charges inadaptées, d’incompréhension et d’offres très variables selon les départements. Le temps d’errance médicale médian en France pour un malade covid long est supérieur à 8 mois !
COVID LONG PÉDIATRIQUE
Carences en ce qui concerne le covid long pédiatrique, encore et toujours. Camille Brehin (CHU Toulouse) insiste "Encore à l'heure actuelle il n'y a pas de prise en charge standardisée sur ces enfants", " les principales manifestations sont neurologiques, psychiatriques et respiratoires". Elle a déposé un projet de recensement des cas pédiatriques lors de l'appel à projets de l'ANRS, qui n’a pas été retenu alors que c’est une étape indispensable.
Les personnels de l’Education Nationale ne sont pas informés, il y a difficulté à avoir des aménagements, des horaires adaptés. Les familles font face au déni de beaucoup d'intervenants en milieu scolaire.
MALAISE POST-EFFORT
Avec ApresJ20, nous avions beaucoup insisté lors de la préparation de cette journée pour qu’il y ait un focus sur le malaise post-effort, dans un objectif de formation des médecins présents, et que les alertes sur les programmes de réadaptation soient elles aussi très claires quand il y a MPE. Nous ne sommes pas satisfaits du tout…
Malgré les recommandations très claires de l’OMS parues en septembre, aucune alerte n’est posée sur les programmes classiques de réadaptation ou de reconditionnement. Le malaise post-effort, reconnu comme symptôme pertinent par l'OMS dans le covid long (post exertional symptom exacerbation), majoritaire en début de convalescence post-covid, est à peine évoqué, et jamais à sa juste mesure Le pacing n’est pas expliqué, à peine cité. Alors qu’il s’agit d’une prise en charge alternative cruciale, pour assurer la récupération autant que pour éviter le déconditionnement ! C'est très grave : l'existence de malaise post-effort exige des précautions dans la réadaptation, ne pas en tenir compte expose des malades à des aggravations qui peuvent être irréversibles et aboutir à une invalidité totale.
Dr Deharo, dans son intéressante intervention sur la dysautonomie, évoque l'intolérance à l'exercice qu’il attribue “par intuition” (sic) au déconditionnement, donc il préconise la réadaptation à l’effort. L'intution comme guide d'une prise en charge potentiellement dangereuse, sérieusement ? Bien sûr, ce médecin ne fait aucune alerte sur les nécessaires précautions à prendre en cas de malaise post-effort, puisque celui-ci n’est pas pas connu et pas différencié du déconditionnement...
Dans la foulée, Philippe Burtin, membre du groupe de travail covid long de la Haute Autorité de Santé, enchaîne sur le déconditionnement et la nécessité de réadaptation “dont les études montrent que ces programmes fonctionnent”.
Seul Nicolas Barizien évoque les malaises post-effort et la nécessité d’adapter les programmes de réadaptation, sans toutefois remettre en cause leur bien fondé et sans évoquer non plus le pacing. Il cite plusieurs outils pour évaluer l’état de forme : variabilité de la fréquence cardiaque, test assis/debout, évaluation stress oxydatif etc. Heureusement, il insiste sur la nécessité d'évaluer avec les patients leurs capacités à chaque séance (ce n'est pas assez, mais c'est déjà ça...). Il ne cite ni le questionnaire DePaul, ni les deux tests d’effort à 24 h d’intervalle qui objectivent le malaise post-effort. Ce n’est pas faute d’avoir transmis des études sur le sujet !
Comment peut on préjuger d’un déconditionnement chez des personnes jeunes, très actives, qui ont eu des symptômes légers, et dont certaines sont encore dans la vie active ?
Plusieurs intervenants affirment que toutes les études montrent que les programmes de réadaptation fonctionnent. A un détail près : quand les participants ne sont pas à même de faire ces programmes, ils sont éliminés des protocoles. De fait, les études ne montrent qu’une chose : les programmes de réadaptation fonctionnent quand il n'y a pas de MPE, et nous en sommes d'accord. Même si, comme le dit Philippe Burtin "il y a peu d’études de bon niveau à ce sujet". Lui-même ne présente aucune étude sur les bienfaits de la réadaptation ayant trait au covid long dans son intervention.
Quels chiffres a-t-on sur les “perdus de vue” ? Certains kinés évoquent 50% à 70 % des covid longs qui ne poursuivent pas leur programme de rééducation… Pourquoi ? Ceci n'est pas exploré.Ne pas observer un fait, c'est à la fois symptôme du déni, et entretien du déni...
Un médecin de la salle alerte : "Il faut mieux expliquer les malaises post-effort, Il faut calibrer, en tenir compte, certains MPE vont durer des semaines, il y a une grosse carence de formation des spécialistes, des médecins généralistes". Cette alerte, nous la faisons depuis bientôt 3 ans auprès du corps médical et des autorités sanitaires. Dans le vide. Des dizaines de milliers de malades s’aggravent, et nous voyons encore dans le corps médical déni et sous estimation de ce symptôme très particulier du MPE…
MANQUE DE FORMATION ET D’INFORMATION
A tous les niveaux : grand public, médecins, professionnels de santé, mais aussi personnels de l'Éducation Nationale, médecins du travail, managers d'entreprise... Pour le Dr Carles, infectiologue du CHU de Nice "Il y a une incompréhension du corps médical. Certains médecins sont en vraie difficulté pour soigner les malades covid long , ils n'ont pas les outils, il faut former”.
De fait, beaucoup de prises en charge sont inadaptées. Un malade cadre de santé, atteint de covid long, témoigne d’une aggravation lors d’un séjour en centre de rééducation : “le centre n'avait pas l'expertise des covid longs, la prise en charge était inadaptée“.
Les médecins du travail et les managers ne sont pas formés non plus, alors que la reprise du travail est cruciale et demande accompagnement. Françoise Le Deist explique : "Il s'agit d'une population active, jeune, l'arrêt de travail est un problème multi dimensionnel. Beaucoup de personnes reprennent et ensuite sont arrêtées. Il y a souvent nécessité de s'arrêter plusieurs fois, parfois de ne pas reprendre du tout". C’est compliqué pour les équipes, pour le fonctionnement de l’entreprise, il y a aussi la problématique du regard des collègues quand des arrêts se succèdent.
L’EM, GRANDE ABSENTE…
En 2021, François Goehringer avait consacré une intervention à l’EM. Contraste avec l’absence totale de la mention de la maladie pendant toute la journée…
On sait aujourd’hui que l’EM se déclenche chez des malades covid long. On manque sérieusement de données épidémiologiques sur le covid long et seulement 6 études se sont intéressées à la prévalence d’EM post covid, estimée entre entre 16,8% et 58%.
C’est évident que ces données sont à consolider. Mais même en prenant les prévalences les plus faibles, c’est plus de 240 000 personnes en France qui sont potentiellement concernées. Ce silence est à rapprocher de l’absence d’alerte sur le malaise post-effort. Ajoutés au 300 000 malades avant pandémie, plus d'une demi-million de personnes souffrent aujourd'hui d'EM en France. STOP AU DÉNI !
CATASTROPHE SANITAIRE EN MARCHE DANS L’INDIFFÉRENCE ?
Au final, malheureusement, bientôt 3 ans après le début de la pandémie, comme le résume Pauline Oustric, présidente de ApresJ20 : "Le constat c'est celui du fardeau" avec à la clé pour les patients : un déni, malgré la reconnaissance officielle de l’OMS et des milliers d’études ; une stigmatisation avec attribution de troubles psychosomatiques que rien ne vient étayer ; des prises en charge inadaptées qui peuvent mettre en danger les malades ; des impacts majeurs, sociaux, économiques et sanitaires.
Le Covid Long et la pandémie d'EM qui s'ensuit,
c'est une véritable catastrophe au long cours,
inconnue du grand public,
sous estimée par le corps médical,
niée par les autorités sanitaires.