Syndromes Post Infectieux : une avancée majeure !

Rédigé par Millions Missing France - - Aucun commentaire

Une avancée importante pour le covid long et l'EM

 

Le 7 novembre 2023, le COVARS (comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires)1 a émis un avis dans lequel il traite des enjeux médicaux, sociaux et économiques du Covid Long (nommé dans l'avis SPC ou syndrome post-covid), en l’intégrant dans l’ensemble plus large des syndromes post-infectieux dont il affirme la réalité organique et physiologique.

💓 Après plus de 40 ans d’assimilation erronée des syndromes post-infectieux aux troubles somatoformes, cet avis marque un tournant historique. En reconnaissant le Covid long et les syndromes post-infectieux comme un enjeu de santé publique majeur, il est une étape importante dans la mise en place de parcours de soin adaptés, en co-construction avec les malades experts et les associations.

 

👉 Rappelons que l’EM est classée avec le syndrome de fatigue post-virale par l’OMS depuis 1969. Près de 80 % des cas d’EM apparaissent suite à une infection (dont le SARS-CoV-2) et la pathologie fait partie de cet ensemble de syndromes post-infectieux. C’est à ce titre que Millions Missing France participe aux travaux de la Haute Autorité de Santé pour le Covid long et a été auditionnée par le COVARS.

🙏 Millions Missing France exprime ses remerciements à toutes les personnes et organisations ayant rendu possible ce changement de point de vue, et tout particulièrement à ApresJ20 Covid Long France, notre partenaire depuis le printemps 2020, au Collectif Covid Long pédiatrique, à Monsieur Xavier Lescure et à Madame Yvanie Caillé.

Cet avis de 47 pages, documenté et exhaustif, mérite une lecture attentive. En voici quelques éléments et citations

«Les syndromes post-infectieux ne sont pas des troubles somatoformes»2; «Il existe suffisamment d’arguments inflammatoires, immunologiques, neurologiques ou endocriniens pour considérer que l’origine du SPC repose sur des anomalies organiques, la composante psychologique liée à une perturbation du traitement du signal par le conditionnement cérébral étant un élément aggravant mais non suffisant et originel des troubles». L’avis va encore plus loin en pointant la stigmatisation des malades «liée à l’amalgame fréquemment fait, parfois même par les spécialistes de la question, entre SPI et troubles somatoformes (…) induisant des mécanismes qui s’apparentent à ceux décrits au cours des troubles somatoformes : crispation et errance médicale».

✅  Le Covid Long «représente une épidémie d’incapacité de grande échelle». L’activité professionnelle est fortement réduite ou arrêtée pour un quart des malades, seulement la moitié ont repris le travail un an après. Le COVARS analyse les répercussions sociales et économiques (impacts en termes de décrochage scolaire, perte de productivité, arrêt maladie prolongé, adaptation/réduction/perte de travail, démissions, précarisation…) et intègre dans ses recommandations la nécessité de mettre en place une protection sociale spécifique (ALD entre autres).

✅ Le COVARS fait le point sur les connaissances scientifiques et insiste sur l’impérieuse nécessité d’améliorer la recherche en France.

✅ L’avis constate également la disparité des prises en charges actuelles, le manque de formation et d’information des professionnels de santé et une crise de confiance entre malades et soignants. «Les patients ressentent souvent une stigmatisation de leurs symptômes qui leur semble délétère dans la prise en soins et le rétablissement de leurs troubles. Le syndrome post-covid illustre la complexité voire la difficulté à s’emparer efficacement de la question des SPI qui représentent encore, en France, une entité relativement négligée.» Le COVARS recommande la mise en place de formation médicale initiale et continue et des campagnes de sensibilisation à destination des soignants, des médecins scolaires/universitaires et des médecins du travail.

✅ L’accent est mis sur la nécessaire alliance thérapeutique dans la prise en charge et le rôle central des patients-experts et des associations «à tous les niveaux de l’action publique», comme «levier essentiel de la pertinence de la réponse».

✅ La prise en charge globale recommandée rassemble «un versant clinique (généraliste, interniste, infectiologue etc.), un versant physique (explorateur /rééducateur fonctionnel / kinésithérapeute / ergothérapeute) et un versant psychologique (psychologue / neuro-psychologue / psychiatre)» auxquels devront s’ajouter selon les cas «une prise en charge sociale intégrant le plus souvent la médecine du travail ou la médecine scolaire, impliquant une adaptation temporaire de l’environnement et la possibilité d’un accès au titre de l’affection longue durée».

‼️ Nous sommes réservés sur ce “trépied” associé à un axe “transversal” de l’intervention sociale. Il y a dans cette classification un sous-entendu : tous les malades auraient besoin d’un suivi en psychologie, psychiatrie ou neuropsychologie, (au même titre qu’une prise en charge médicale, des explorations et des rééducations), alors que tous n’auraient pas besoin d’une prise en charge sociale. Or, la prise en charge psychologique ne concerne pas l’ensemble des malades, au même titre que la prise en charge sociale, voire la réadaptation. Les bilan neuropsychologiques et certaines thérapies entrent dans le deuxième volet (explorations/réadaptation). Loin de nous l’idée de sous-estimer les impacts psychologiques et sociaux, mais ces prises en charge, de fait, devraient être sur le même plan que les autres. Il devrait donc y avoir soit 4 volets au même niveau, soit rassemblement des interventions psychologiques et sociales dans un même bloc.

✅ Le COVARS évoque le covid long pédiatrique, dont les associations dénoncent le déni depuis 2020, déni qui se traduit par un manque cruel de formation des pédiatres et l’absence quasiment généralisée de prises en charges spécifiques, un sous-diagnostic et une stigmatisation encore plus importants que chez les adultes. «La reconnaissance de cette menace est urgente et passe par une volonté politique forte» pour sensibiliser les pédiatres et généralistes aux syndromes post-infectieux, mettre en place des filières de soins adaptées aux jeunes malades et faire progresser les connaissances. La nécessité d'information de l’Éducation Nationale est formulée à plusieurs reprises.

‼️ A propos des jeunes malades, il manque dans cet avis une nécessaire campagne d’information auprès des services impliqués dans la protection de l’enfance, que nous avions évoquée. Le déni du covid long pédiatrique et plus largement la méconnaissance des syndromes post-infectieux amènent en effet des familles à affronter des procédures judiciaires abusives, certaines menées avec un acharnement extrêmement préjudiciable. 

‼️ Notre association ne parvient pas à faire passer un message simple, celui de la nécessité absolue de différencier les prises en charge selon l’existence ou non du malaise post-effort. Ce symptôme est reconnu par l’OMS dans le cadre du Covid Long sous l’appellation “exacerbation de symptômes post-effort” (MPE ou ESPE)3Le MPE est un signal d’alerte, un drapeau rouge, qui peut annoncer un déclenchement possible d’encéphalomyélite myalgique dont il est le symptôme cardinal, obligatoire pour son diagnostic.

Sans MPE, les prises en charge rééducationnelles de tous types ne demandent pas de précautions particulières, y compris les programmes classiques de réadaptation à l’effort. A contrario, la présence du symptôme de malaise post-effort exige des précautions , car la multiplication des épisodes d'aggravation entrave la récupération et peut amener à un état d’invalidité sévère de manière durable. Tout programme de rééducation doit respecter les capacités fonctionnelles du patient, en gardant une réserve en dessous de ces limites. Les programmes classiques de réadaptation à l’effort avec augmentations fixes d’activités sont contre-indiqués (directives récentes du NICE).  

‼️ Le pacing est à peine évoqué par le COVARS, malheureusement, alors qu’il est important pour tous les malades et qu'il est impératif en cas de malaise post-effort. Meme s'il est encore trop peu documenté scientifiquement, l'accumulation de témoignages plaide en faveur d’évaluations à mener. La mise en place précoce de cette stratégie d’autogestion du rythme activité/repos participe à une meilleure récupération. L’objectif du pacing est double : éviter les malaises post-effort en respectant les besoins de repos ; favoriser autant que possible la poursuite d’activités pour éviter le déconditionnement. C'est un savant équilibre qui exige la formation de professionnels de santé sur les outils existants et la mise en place de programmes d’éducation thérapeutique pour les malades.

Les directives de la Suisse, du NICE (pour l’EM, Royaume-Uni) et de l’INESS (Québec) sont à ce titre exceptionnelles pour leur reconnaissance du malaise post-effort et du pacing. Elles devraient guider la mise en place des parcours de soin en France.

Il y a encore beaucoup d’autres éléments dans cet avis, riche et très documenté, engagé politiquement. Malgré nos quelques réserves, nous nous félicitons de cette publication qui représente une avancée majeure pour une meilleure prise en charge des syndromes post infectieux, incluant le Covid Long et l'EM.

 

Notes

1.Ce comité est placé auprès du Ministère de la Santé et de la Prévention et du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, pour fournir expertise et conseils aux autorités sanitaires.

2. Troubles mentaux définis par la prééminence de symptômes physiques associés à une détresse psychologique et à un handicap significatif qui concernerait 5% à 7% de la population générale. Ils se déclinent sous plusieurs catégories dont le syndrome de détresse corporelle et assimilés par beaucoup de ses défenseurs à la notion désuète de symptômes dits « médicalement inexpliqués ». Héritiers du concept de l’hystérie, ils sont très controversés dans leur définition, y compris par des psychiatres,. En France, le syndrome de fatigue chronique, la fibromyalgie, le syndrome de l’intestin irritable, entre autres, sont enseignés en faculté de médecine comme troubles somatoformes, malgré pléthore d’études montrant une réalité organique et physiologique de ces trois pathologies.

3. MPE ou ESPE  défini comme exacerbation durable et anormale de symptômes après des surcharges d’activité minimes (physiques, cognitives, émotionnelles ou sensorielles). Il peut être immédiat après la surcharge, ou différé de quelques heures à plusieurs jours.

 

 

 

 

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