Etats de sévérité

Rédigé par Millions Missing France - - Aucun commentaire

Il existe plusieurs échelles de sévérité pour décrire la gravité de l'encéphalomyélite myalgique, toutes anglophones. Depuis le meilleur de l'état léger où la qualité de vie est relativement préservée malgré un ralentissement certain et des deuils sur les perspectives d'avenir, jusqu'au pire du stade très sévère où la personne peut être en danger vital, tous les degrés de sévérité existent. On est bien au delà de la fatigue chronique...

Le mot clé de l'EM est "variabilité". Cela vaut aussi pour la sévérité. Variable d'une personne à l'autre, variable dans le temps pour une même personne, avec des aggravations possibles ou au contraire des améliorations. Pas de boule de cristal dans l'EM. Des malades sévères peuvent revenir à l'état léger, des malades en état léger peuvent basculer d'un jour à l'autre en état sévère. La maladie peut démarrer brutalement par un état sévère, ou au contraire progresser insidieusement depuis un état léger. Tous les cas de figure sont possibles.

Il est difficile de remonter d'un état sévère, encore plus d'un état très sévère. Quand on a la chance -relative...- d'être légèrement ou modérément atteint⋅e, mieux vaut mettre toutes les chances de son côté, avec le pacing notamment. Avec une fatigue chronique invalidante, il est impératif de respecter les besoins de repos. Les malades qui bénéficient au début de leur maladie d'une prise en charge avec le pacing ont plus de chances de s'améliorer.

Pour un malade, connaître son état de sévérité, c'est pouvoir mieux prendre en charge son quotidien. C'est aussi pouvoir mieux communiquer avec les rares professionnels de santé ouverts sur cette pathologie et avec ses proches. Pour les proches, c'est mieux comprendre ce que vit le malade. Car bien souvent, la maladie reste invisible pour celle ou celui qui ne la vit pas.

Atteinte légère

Etre en état léger d’EM, c’est déjà impactant ! On ressent une limite d'activité quotidienne à ne pas dépasser. La fatigue chronique impacte la vie courante, même si les autres symptômes sont encore discrets. La vie change, il faut faire attention à tout, se reposer beaucoup plus, prendre plus d’années pour passer un diplôme, souvent travailler à temps partiel ou avoir des arrêts maladie répétés, s'interroger sur les ambitions professionnelles, sacrifier des loisirs, des vacances, anticiper une baisse de revenus potentielle... Mais on reste autonome pour tout et même si on fait moins de choses, la vie est encore proche de celle d’avant, simplement ralentie et moins pleine.

Un travail à temps plein peut être possible uniquement s'il n'est pas pénible physiquement ou trop exigeant mentalement, et à condition de restreindre toutes les autres activités.

Les tâches domestiques qui paraissaient simples et peu exigeantes commencent à devenir pénibles. Des moments de repos sont nécessaires dans la journée. La vie sociale se limite aux activités qui ne demandent pas d'effort. L'activité sportive se réduit.

Au repos, les symptômes sont légers. On peut les oublier la plupart du temps. Ils sont aggravés surtout par l'effort physique ou si l'activité mentale est intense.

Les malaises post-effort ne sont pas faciles à repérer. ils sont souvent différés d'un ou plusieurs jours et même si les symptômes sont aggravés, cela reste supportable. En crash, la fatigue devient plus présente et oblige à s'allonger quelques heures, mais on peut se lever, aller aux toilettes, manger, voire préparer un repas simple, ou même se forcer à faire une activité. La durée de récupération peut être courte, une demie-journée a minima et rarement plus de quelques jours. Bien souvent, les malades reprennent d'ailleurs leurs activités trop tôt, sans se laisser assez de temps de repos. C'est l'état où on connaît le plus de "push and crash", alternance de périodes d'activité importantes et de moments où on s'écroule. C'est un facteur d'aggravation certain.

Priorité ? Éviter les push and crash. Stabiliser l’état en évitant les malaises post-effort, démarrer le pacing sans attendre. Évaluer son énergie disponible, repérer les déclencheurs de malaise post-effort (type d'activité, mais aussi durée, intensité, accumulations...). Ne jamais tirer sur la corde et se reposer dès qu’il le faut. S’habituer à un rythme moins actif, commencer la relaxation, la cohérence cardiaque, apprendre à contempler, s’octroyer de longs moments sans rien faire, sans sollicitation. Pas simple, parce qu'on a encore des capacités, et que peu de malades à ce stade font des malaises post-effort sévères. 

25 % des malades sont en état léger. Ce sont eux qu'on voit le plus souvent témoigner dans les médias, que l'on filme emmenant leurs enfants à l'école ou faisant leurs courses, car ils peuvent se déplacer, attendre lors des tournages, répondre de manière efficace y compris quand on les sollicite à l'imprévu. A leur corps défendant, et parce que la plupart des journalistes ne se documentent pas sur l'EM et ne précisent pas leur état de sévérité, ils donnent l'impression que l'EM n'est pas une maladie grave. Ils ont pour la plupart un diagnostic de "syndrome de fatigue chronique" que les médias et les proches transforment souvent en "fatigue chronique". C'est source de beaucoup d'incompréhension

Atteinte modérée

En état modéré, ça monte d’un cran. Travailler devient très difficile. Au meilleur de l'état modéré, seul reste possible un travail léger à temps partiel, dans le calme, avec des pauses aménagées. Il n'est plus possible du tout d'avoir un travail qui demande une station debout prolongé ou des efforts physiques, plus possible non plus de travailler dans des environnements bruyants ou animés ou d'avoir un métier exigeant intellectuellement. Continuer à travailler quelques heures par semaine impose souvent l'arrêt de toute autre activité y compris de loisirs ou domestiques. Les arrêts de travail se répètent.

C'est la même chose pour les activités sportives ou les loisirs. Seul ce qui est peu exigeant physiquement et cognitivement reste possible. La marche remplace la course à pied, on oublie la musique rythmée ou trop forte pendant les soirées tranquilles avec les amis.

Les symptômes sont présents tout le temps, y compris au repos, on ne peut plus les oublier. Ils peuvent être sévères par moments. La fatigue chronique confine régulièrement à l'épuisement. Les malaises post-effort sont très reconnaissables : épuisement sévère avec obligation de s'allonger, symptômes aggravés a minima 24 h. On peut encore se lever pour aller aux toilettes pendant les crash, souvent avec des sensations d'ivresse, une impression de lourdeur, une difficulté à se lever et à marcher.

On commence à avoir besoin d’aide pour ce qui est trop fatigant, le ménage, les courses, le jardin, le bricolage…Le pacing est impératif, tout comme les moments de repos total, allongé⋅e dans le silence. D’ailleurs, une partie de la journée se passe allongé⋅e… Mais on reste autonome pour la vie quotidienne, à condition d’être vigilant⋅e, de faire les choses tranquillement, par morceaux. On peut encore recevoir des proches, avoir de bons moments, en prenant des repos avant et après chaque sollicitation hors routine. La vie se ralentit. On a l’impression de vieillir avant l’heure… Des personnes bien plus âgées semblent bien plus en forme.

Priorité‘: garder le moral au maximum, trouver du soutien auprès des groupes de malades. Informer les proches qui ne comprennent pas, bien trop souvent. Se raccrocher à ce qui est encore possible, en essayant de ne pas trop penser à ce qui ne l’est plus… Mettre en place un réseau de soutien, le plus de personnes possibles pour aider quand il le faut, sans que tout repose sur une ou deux personnes.

La moitié des malades vit ainsi.

Atteinte sévère

Plus l'état est sévère, plus la vie offre de vrais moments d’enfer. Épuisement, douleurs, symptômes de toutes sortes sont omniprésents. Le pacing est nécessaire, mais il ne suffit pas. Le lit et le canapé sont les meubles que l’on use le plus, avec plus de 20 h en position allongée par jour. Déambulateurs, cannes, fauteuil roulant s’invitent. La position debout devient difficile, tout comme la position assise prolongée. Une seule "grande activité" est possible dans la journée, elle nécessite ensuite des heures de repos.

On est la plupart du temps confiné⋅e chez soi, parce que la lumière, le bruit, les déplacements sont difficiles à vivre, provoquent douleurs, maux de tête, tachycardie, malaises post-efforts. On peut encore se rendre aux consultations médicales, se déplacer dans l'habitation, profiter de quelques moments brefs dans le jardin, faire de courtes sorties en fauteuil roulant.

Les symptômes sont modérés à sévères au repos. Des douleurs ou des sensations de malaise sont présents toute la journée. Ils s'aggravent sérieusement et très rapidement au moindre dépassement des limites de la personne. Les malaises post-effort sont violents, les malades peuvent avoir l'impression de mourir. Ils durent souvent plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

Lire, regarder une émission de télévision, un film devient difficile voire impossible. Les troubles cognitifs sont sévères : pertes de mémoire, troubles de la concentration intenses.

L'activité est extrêmement fractionnée dans la journée, par périodes de quelques minutes, et nécessite chaque fois une longue période de repos. L’autonomie se résume souvent à se laver en plusieurs fois, assis⋅e ou au lit, à aller aux toilettes, à se réchauffer un repas tout prêt.

La priorité des malades en état sévère, c'est d'avoir de l'aide. Quand les malades n’ont pas d’aide pour le ménage ou les courses, les malaises post-effort fréquents les aggravent encore, risquant de les pousser vers un état très sévère souvent irréversible.

Concerne 20 % des malades.

Atteinte très sévère

L'alitement est permanent ou presque. Les symptômes sont violents et omniprésents : douleurs intenses et/ou sensations écrasantes de dysfonctionnement dans le corps et dans le cerveau. Le fonctionnement cognitif est réduit au maximum. Par moments, la personne malade peut avoir des échanges très courts, de quelques minutes, mais parler avec quelqu'un peut être impossible. Dans les meilleurs moments, écouter un peu de musique douce, un livre audio simple, communiquer pas SMS reste envisageable, sur de très courts moments. 

Le simple fait de lever la tête de lit ou quelqu’un qui parle un peu fort peut entraîner un malaise post-effort, tout comme aller aux toilettes seul. La dépendance peut être totale.

Le lit, la pénombre, le silence, la solitude, les difficultés à s’alimenter sont le quotidien de 5 % des malades, qui peuvent être en danger vital. L’épuisement est celui d’une personne en fin de vie. La vie se résume à tenir de minute en minute. L’espoir de nouveaux traitements à moyen terme (probablement dans les 2 ou 3 ans à venir) tient en vie des malades qui envisagent souvent l’euthanasie ou le suicide assisté. Les roses bleues qui symbolisent le décès d’une personne atteinte d’EM fleurissent malheureusement trop souvent…

L’encéphalomyélite myalgique, CE N’EST PAS « de la fatigue chronique »…

Autres échelles de sévérité spécifiques pour l'EM (traduction libre en français)

 

Illustrations, avec l'autorisation de l'auteur https://www.facebook.com/Clem.Flagada.Combative

#MillionsMissing #MeAction #handicapinvisible #JeDisEM #ParlonsEM

 

 

 

Les commentaires sont fermés.