Encéphalomyélite myalgique ou syndrome de fatigue chronique ?
Rédigé par Millions Missing France - - Aucun commentaireL’encéphalomyélite myalgique sera-t-elle le prochain scandale sanitaire ?
Patients moqués, psychiatrisés, mis en danger. Parce que des médecins français refusent les avancées de la science. Parce qu'ils continuent de confondre une maladie reconnue comme neurologique avec un "syndrome de fatigue chronique" enseigné en France comme un soi-disant trouble psychosomatique. Pourtant, des centaines de milliers de covid long sont aujourd’hui concernés. Ils s'ajoutent aux centaines de milliers de malades déjà atteints d'encéphalomyélite myalgique.
Encéphalomyélite myalgique, le nom historique depuis 1969
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) reconnaît l’encéphalomyélite myalgique depuis 1969, comme maladie neurologique.
La classification officielle reconnue et utilisée en France par les professionnels de santé est la CIM10-FR. L’encéphalomyélite myalgique y figure sous le code G93.3, au côté du "syndrome de fatigue post virale". Parce que l’EM suit souvent un syndrome post infectieux.
Tout le monde s’accorde à penser, y compris Millions Missing France, que le nom "encéphalomyélite myalgique" n’est pas parfait. Il ne correspond pas à la physiopathologie de la maladie.
C’est aujourd’hui néanmoins le nom officiel reconnu par l'Organisation Mondiale de la Santé. C’est aussi l'appellation recommandée par le plus récent consensus médical international de 2011.
Le syndrome de fatigue chronique est une appellation reconnue dans le code de l’OMS sous le même code que le syndrome de fatigue post-virale et l’encéphalomyélite myalgique (8E49). En France, le syndrome de fatigue chronique ne figure pas dans la CIM10-FR.
Pour plus d'informations sur les appellations, voir notre article "La maladie aux milles noms".
Le paradoxe français
Les futurs médecins n’apprennent que "le syndrome de fatigue chronique". Ils l'apprennent d'une manière faussée. La plupart n’ont même jamais entendu le nom "encéphalomyélite myalgique". Ils connaissent mal les syndromes post infectieux.
Cela a des conséquences terribles. Dans la communication avec le patient et dans sa prise en charge.
Car on enseigne en faculté de médecine le syndrome de fatigue chronique comme un trouble somatique fonctionnel. C’est à dire comme un trouble ayant des causes psychologiques.
Méconnaissance de la maladie encéphalomyélite myalgique, et en plus une formation incorrecte sur le syndrome de fatigue chronique… Cela donne des centaines de milliers de patients en errance en France.
Mais il y a pire. Les préconisations de prise en charge enseignées pour le syndrome de fatigue chronique sont clairement délétères voire mortifères quand elles sont appliquées aux personnes atteintes d’encéphalomyélite myalgique !
Victimes de leur méconnaissance, certains médecins vont nuire à leurs patients en les incluant dans un protocole "syndrome de fatigue chronique". C'est pourquoi en février 2022, Millions Missing France a rédigé une lettre ouverte : "STOP au nom de syndrome de fatigue chronique !"
Diagnostic de syndrome de fatigue chronique ?
Le diagnostic de syndrome de fatigue chronique se fait selon les critères dits "de Fukuda". Ils datent de 1988. ils incluent: fatigue depuis 6 mois, maux de tête, maux de gorge, sommeil non réparateur… Symptômes qu’ont en commun beaucoup d’autres maladies.
Le malaise post-effort n’est pas obligatoire dans les critères de Fukuda.
En suivant une définition obsolète, les médecins passent donc à côté du principal. Le symptôme cardinal de l’Encéphalomyélite Myalgique: « le malaise post effort ». C’est une aggravation de tous les symptômes quand le patient a dépassé ses limites énergétiques. Une aggravation durable, invalidante.
Une attente de 6 mois avant de poser le diagnostic figure dans les critères de Fukuda. Cela retarde la prise en charge. 6 mois d'attente pendant lesquels le malade s'aggrave. Surtout si médecins, proches, voire lui-même avec ses propres injonctions d’efficacité, le forcent à nier ses symptômes, provoquant des malaises post-effort à répétition.
Ce délai d’attente n’existe pas dans le dernier consensus médical de 2011. Les diagnostics différentiels ont été exclus ? Les critères sont remplis, dont l’existence du malaise post effort obligatoire pour le diagnostic ? Alors le diagnostic d'encéphalomyélite myalgique peut être posé. La prise en charge avec le pacing doit être mise en place.
En France, les traitement enseignés aux professionnels de santé pour le syndrome de fatigue chronique sont :
- la réadaptation à l'effort
- les thérapies comportementales et cognitives (TCC)
- la limitation des explorations. Pour "ne pas entretenir les malades dans leurs croyances", on arrête les investigations. Au risque de passer à côté du diagnostic d’une autre maladie qui se soignerait.
Ces 3 recommandations sont dangereuses.
Prise en charge « SFC » = danger !
Des investigations souvent peu menées ou arrêtées trop tôt. De la maltraitance qui incite les malades à abandonner. Une incitation permanente à « se bouger ». Tous les risques d’aggravation sont là.
Plusieurs études ont clairement démontré que les TCC ne sont pas un traitement pour l'encéphalomyélite myalgique. Elles peuvent encourager le malade à ne plus écouter les signaux d'alerte de son corps. Elles peuvent ainsi favoriser des malaises post effort. Elles sont dénoncées par de nombreux spécialistes.
Ignorer les malaises post effort et leurs conséquences revient à aggraver le patient. Leur multiplication représente un danger immédiat et à long terme pour le malade. Les spécialistes de l’encéphalomyélite myalgique disent tous qu’il faut les éviter.
Des professionnels de santé confondent fatigue chronique et déconditionnement avec l’intolérance physiologique à l’effort, bien documentée pour l’EM. Ils prescrivent des programmes de reconditionnement, de réadaptation, de rééducation à l’effort. Or, toute incitation à « se bouger », à « se forcer », à « reculer ses limites »… favorise le malaise post effort.
Les programmes de réadaptation à l’effort peuvent rendre un malade invalide. Cette recommandation a d'ailleurs été retirée des lignes directrices du NICE au Royaume-Uni, des CDC aux USA et dans bien d'autres pays, au profit du "pacing" ou auto-gestion du rythme d'activité.
Pacing et course contre la montre
Le pacing est totalement inconnu en France. Il est ignoré par nos autorités sanitaires. Il est pourtant à ce jour la seule prise en charge thérapeutique qui montre une efficacité.
Le pacing, c’est un ensemble de stratégies et d’outils qui respecte les besoins de repos. Tout en maintenant un niveau d’activité compatible avec les réserves d’énergie du malade. Il est sans risque.
Le pacing est aussi utilisé dans les pays anglo-saxons pour d'autres maladies avec une fatigue chronique. Il est conseillé en période de convalescence. Surtout dans les syndromes post infectieux, comme le covid long.
Le pacing est impératif pour les malades qui souffrent d’encéphalomyélite myalgique, pour éviter au maximum les malaises post-effort.
Les professionnels de santé ne sont pas formés à cette approche thérapeutique, décisive pour des centaines de milliers de malades atteints de covid long ou d’encéphalomyélite myalgique.
Une appellation qui fait des victimes
Cette question de l'appellation est un enjeu majeur pour la prise en charge des malades.
Un patient avec un diagnostic de syndrome de fatigue chronique consulte un médecin non informé ? Il sera classé de fait comme ayant un trouble somatique fonctionnel.
Parce que c'est ce qu'a appris le médecin sur les bancs de la faculté, et c'est ce qu'il va trouver en France dans les documents des autorités sanitaires françaises.
Les critères de Fukuda sont anciens, dépassés, dangereux. Un diagnostic "syndrome de fatigue chronique" entraîne en France des prises en charge inadaptées. C’est une source d’aggravations et d’erreurs de diagnostic. Trois tableaux de critères plus récents exigent que le malaise post-effort soit un symptôme obligatoire pour le diagnostic. Parmi eux, le consensus médical international de 2011.
L’importance d’un bon diagnostic
Le consensus de 2011 est le plus complet. Il s'appuie à la fois sur la pratique clinique et sur les recherches scientifiques. Il a déjà 11 ans. D’autres définitions existent, mais c’est le seul qui emploie l’appellation reconnue par l’OMS et la classification officielle française d’encéphalomyélite myalgique.
Ce consensus médical, reconnu et utilisé dans le monde entier, recommande d'abandonner les critères de diagnostic de Fukuda et les appellations de SFC ou d'EM/SFC.
Au Royaume-Uni, les nouvelles directives du NICE (autorités sanitaires) sont une grande avancée. Elles détaillent comment faire le diagnostic et comment prendre en charge les malades. Que ce soit des adultes ou des enfants.
De plus en plus de pays suivent ces directives ou s’en inspirent. En France, c’est pour quand ?
Le Covid long va-t- il changer la donne ?
Début 2020, la première vague de covid nous touchait. Très vite, les patients atteints d’EM ont reconnu des symptômes qu’ils connaissaient bien, chez des malades ayant eu la Covid 19. Fatigue chronique, symptômes aggravés après des activités autrefois banales pour eux, troubles cognitifs, symptômes multiples, qui déroutaient les médecins. Mais pas les malades d’EM.
Devant ces descriptions, ils ont vite fait le lien. Parce que l’EM se déclenche trop souvent après un syndrome post infectieux, c’était prévisible. Millions Missing France est montée au créneau pour alerter. Deux communautés d’invisibles se rencontraient grâce aux réseaux sociaux.
Les malades covid long font face aux mêmes défauts de prise en charge. Pour éviter cela, Millions Missing France participe depuis décembre 2020 au groupe de travail de la Haute Autorité de Santé constitué sur le sujet.
Malgré notre insistance, le malaise post effort est minimisé voire nié. Alors même qu'il est largement documenté scientifiquement. Ce symptôme n’est pas évalué, alors qu’il peut l’être avec un questionnaire simple. Les prescriptions de réadaptation à l’effort sont monnaie courante.
Les malades covid long sont des centaines de milliers à s’aggraver faute de prise en charge avec le pacing. Ils se voient à leur tour « psychiatrisés ». C’est à n’y rien comprendre. A ce jour, en France, l’obscurantisme continue de régner.
Priorité de santé publique
Le nombre de malades souffrant d’Encéphalomyélite Myalgique est en train de monter en flèche. Selon les dernières études, entre 15% et 49% de malades « covid long » déclenchent l’EM. Très vite, plus d’un million de personnes en France pourrait être concerné. A ce jour:
- Aucun pédiatre.
- Pas de formation des professionnels de santé.
- 4 spécialistes en exercice en France.
- Aucune directive de prise en charge officielle.
- Des prescriptions qui aggravent les malades, voire les condamnent à l’invalidité.
L’encéphalomyélite myalgique, ce n’est PAS de la fatigue chronique et ce n’est PAS une maladie rare. Il y a urgence.